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Tout est politique, même notre façon de dire encore

mardi, avril 23rd, 2013

 

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Ex premiers de classe, ils forment une caste d’intouchables, qui cumulent allègrement leurs agrégations avec des études à Polytechnique, HEC, ou l’Ena. Pendant que le citoyen lambda se contente d’un monde qui tourne de 9 à 17 heures, eux vivent des nuits blanches et se déplacent en hélicoptères façon rocks stars. Assistés de chauffeurs et de secrétaires particuliers, nos politiques se comportent comme si l’administration centrale de la France les dispensait de morale. Volontiers apparatchik –demeurer députés 20 ans de suite ne blesse en rien leur fibre démocratique-, ils ignorent les contraintes du salariat et du siècle. Quant à la mère patrie qui semble porter aux nues la virilité de ses rois, elle a vu s’épanouir Henri IV, le régent aux 70 maîtresses qui y gagna un surnom, le « Vert-Galant », au centre d’une  monarchie marquée par les favorites et les bâtards. Fort préoccupé par les poules, le bonhomme en vint à confondre la capacité à gouverner avec l’appétit sexuel, affirmant même que jusqu’à cinquante ans, il avait pris son épée pour un os. Osons l’avouer, un roi chaste ennuie. Devant l’impuissance, la foule perd tout respect, on pourrait même dire qu’elle se viriliserait. L’hypothèse est folle qui voudrait que la révolution de 1789 soit liée aux difficultés de Louis XVI, incapable de faire l’amour à sa reine. L’exemple de Napoléon, incarnation de la puissance politique, apporte sur ce point un éclairage intéressant. Il est à ses débuts, peu porté sur le sexe. Cependant, à mesure que son pouvoir s’accroît, l’Empereur devient un grand consommateur, montrant qu’en la matière l’œuf serait moins responsable que la poule, encore elle.

« Il a voulu vivre César et il est mort Pompée  »

En parcourant l’Histoire de France par ses alcôves, on trouve le malheureux Félix Faure succombant à une fellation reçue à même (le Palais) de l’Élysée. D’où l’épitaphe un peu spéciale de Clemenceau : « Il a voulu vivre César et il est mort Pompée  ».

Grimper sur la plus haute marche appellerait aujourd’hui comme hier une virilité hors normes, comme aux temps primitifs où le chef de meute était le seul autorisé à copuler. L’exemple de Bill Clinton, puissant président des Etats Unis qui s’est vu contraint d’avouer ses infidélités devant les caméras du monde entier, en dit long sur la pratique des dessous de table. Une procédure d’impeachment a failli lui couter son poste, sans pour autant entamer son crédit. Que sa stagiaire, moins discrète que Marilyn avec les frangins Kennedy, ait donné son prénom à un scandale qui restera le premier des scandales sexuels internationaux, apparaît comme un atout, presqu’une décoration. Notre homme gagne d’ailleurs sa vie en portant la bonne parole en des conférences internationales fort prisées.

Est-ce parce qu’ils fabriquent les lois que nos chefs se pensent au-dessus d’elles ?

Le début de réponse d’Henry Kissinger, l’ancien secrétaire d’Etat du président américain Richard Nixon mérite réflexion : « le pouvoir politique est l’aphrodisiaque suprême », disait ce fin observateur qui vit défiler dans le bureau ovale, ou plutôt sous ce dernier, nombre de passagères clandestines. Et s’il fallait prouver que la fonction rime avec certaine pulsion, on s’en tiendrait à un rapide inventaire des mœurs contemporaines. Ainsi, Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi, spécialiste avéré des soirées « bunga bunga » est-il au cœur de plusieurs scandales qui lui valent d’attendre désormais la queue basse ses procès pour recours à la prostitution de mineure et abus de pouvoir. Le président israélien Moshé Katzav a démissionné en 2007. Reconnu  coupable d’actes répréhensibles sur ses subordonnées, il est en prison pour viol, harcèlement sexuel et actes indécents. L’ancien président zimbabwéen et pasteur méthodiste, le si bien nommé Banana a été condamné à un an de prison en mai 2000 pour sodomie et autres crimes sexuels perpétrés à l’encontre de ses collaborateurs. Il est décédé en novembre 2003. Plus près de nous Herman Cain, candidat à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2012 s’est vu contraint de renoncer en raison de sa propension au harcèlement sexuel. Ce bon pasteur, marié depuis près de 40 ans à la même femme, a d’ailleurs montré lors de prestations télévisuelles catastrophiques que sa principale aptitude à gouverner concernait le maniement de l’épée. En France, nos présidents présentent volontiers une libido hors normes. François Mitterrand, grand séducteur devant l’éternel a abrité dans les annexes de l’Elysée sa maîtresse officieuse, Anne Pingeot, ainsi que leur fille cachée, Mazarine. Interrogée sur le dossier, Michèle Cotta, elle-même intime de la rose, a reconnu qu’à l’issue de ses meetings, une brochette de prétendantes attendait le bon vouloir de Tonton. Le landerneau lui prête une constellation de maîtresses célèbres, Annie Girardot, Édith Cresson, ou Dalida, laquelle buvait ses « paroles » et sa force tranquille sans chichis. Les relations amoureuses de Jacques Chirac, son successeur, avec Michèle Barzach ou Claudia Cardinale  figurent dans de nombreux ouvrages bien qu’il ait été d’une discrétion remarquable. Valéry Giscard d’Estaing n’est pas en reste qui collectionnait les aventures avec de ravissantes comédiennes. En 1974, le Canard Enchaîné lui avait d’ailleurs décerné  le surnom de Valéry Folamour, après la fameuse affaire du laitier… Lors d’un carambolage dans une Ferrari prêtée par Vadim, le président avait été secouru par le Samu et la police, avec à ses côtés la belle Marlène Jobert. Le même, reconnaissant « mes ministres femmes me donnent plus de satisfaction que les hommes », avait vanté avec lyrisme le  décolleté de cuisse de sa secrétaire d’Etat aux Universités, Alice Saunier-Seité, dans un très sérieux opus intitulé sans rire « Démocratie Française ».

Alpha Male Syndrom

Les ministres, les députés, ceux qui exercent la fonction suprême, détiennent l’autorité  de l’autorité. Ils seraient victimes d’une hormone qui viendrait avec le pouvoir, « l’alpha male syndrom », laquelle les prédisposerait crescendo au pouvoir et au sexe. Leur relation à la vie, trois fois plus intense, qui  les voit cumuler trois ou quatre existences de monsieur et madame Tout le monde les rendent plus désirants, plus consommateurs. Quant à leurs compétences sociales hors du commun, elles les transforment peu à peu en monstres incapables de résister à la frustration. Leur taux de testostérone et de dopamine grimpe au même rythme que leur marche vers les sommets. Last but not list, à leur appétit démultiplié correspond un surplus de séduction lié à leur position. Des enquêtes statistiques prouveraient en effet que la majorité des femmes repèrerait et préfèrerait les décideurs censés les sécuriser et les protéger au mieux. Pour le docteur Olivier Nicolas, psychiatre, politique et sexualité seraient intimement liées : « L’éros et le pouvoir ont en commun de procurer une jouissance du fait de la domination sur autrui. Or, les grands managers, les très bons élèves, ceux qui sont dotés d’une intelligence supérieure présentent une hyper sensorialité en même temps qu’une énergie vitale hors normes, proche de l’impulsivité. Cela détermine une relation au plaisir si intense qu’elle tourne vite à l’addiction. Pour ne rien arranger, la morale commune qui associe pouvoir et puissance sexuelle autorise volontiers une sorte de droit de cuissage. Là où le bat blesse, c’est que le système, loin de sanctionner l’hypersexualité des chefs, la valide et même la valorise. N’oublions pas que lors du passage à l’acte, la capacité de jugement est altéré. C’est cette altération du jugement qui a conduit DSK, pourtant si intelligent, à l’égarement. Il faudrait que la société, si fasciné par la puissance de l’éros, s’autorise enfin à interdire et punir. Pour l’instant, tout se passe comme si le chef ne relevait pas de la loi, comme s’il n’avait pas de compte à rendre. Personne ne dit que c’est mal, au contraire. Les hommes politiques qui auraient besoin d’être limités, éduqués, agissent comme les singes bobos. Chez ces derniers, comme pour d’autres espèces animales, le mâle dominant possède le droit de choisir avant les autres celle avec qui il entend copuler, il arrive même que lui seul jouisse du droit à l’acte sexuel. Le bons sens nous souffle que ce qui vaut pour nos amis les bêtes ne s’applique pas à nos civilisations humaines. Mais le bon sens ne concerne que l’individu lambda qui a besoin de morale. Ce n’est pas le cas du mâle dominant, doté du pouvoir incroyable d’imposer ses désirs à la réalité ».

Imposer ses désirs à la réalité, voie royale pour épouser des conduites répréhensibles sans risques. Tout un programme pour lequel personne n’a envie de voter. L’ennui, c’est que sur ce point, nous ne sommes pas consultés. L’affaire du Sofitel n’a pas changé la face du monde. Au journal du soir, on a vu un DSK légèrement contrit reprendre du poil de la bête devant les questions économiques qui ont clos sa prestation. Sans Dédé la Saumure qui fait un peu désordre tout de même, l’ancien président du FMI aurait sans doute repris langue avec ses concitoyens.

La révolution n’est pas pour demain

La question reste posée, conduire un pays sans se croire obligé de donner le bon exemple, est-ce possible ? La révolution n’est pas pour demain. Car l’attaque d’impuissance contre le roi, archaïsme inscrit dans notre passé commun, est bien sûr politique. Elle vise le corps du chef mais aussi sa volonté politique. Dans l’actualité proche, on notera que Lionel Jospin, cas unique de leader monogame, s’est vu destitué par le bon peuple. En tirer des conséquences serait abusif, y réfléchir ne peut pas faire de mal.

Bien à vous,

Corinne Lellouche